BSE ANNA-MARIA TAÏGI
Épouse et mère, Tertiaire trinitaire
(1769-1837)
Née
à Sienne, Anna-Maria Gianetti suivit son père à Rome où des revers de
fortune l'avait contraint d'aller se fixer. La petite passa à peine
deux ans à l'école où elle n'apprit qu'à lire. Ses parents faisaient
retomber leur amertume sur leur fillette, mais l'angélique pauvrette
redoublait de douceur envers eux.
Anna-Maria entra très
tôt en service afin d'aider ses parents. Elle grandissait, pieuse,
travailleuse et coquette, prenant plaisir à se parer. Domenico, qui
travaillait au jour le jour au palais Chigi, homme honnête, rude et
prompt à la colère, offrit de l'épouser; Anna-Maria accepta sa
proposition de mariage.
Dans les premiers temps de son
ménage, elle conserva ses habitudes mondaines, aimant à fréquenter le
théâtre des marionnettes et à porter des colliers de verroterie. Après
trois ans de cette vie ainsi partagée entre l'amour de Dieu et l'amour
du monde, Anna-Maria se confessa au Père Angelo de l'Ordre des
Servites, se convertit totalement et, avec l'assentiment de son mari,
elle se fit recevoir dans le Tiers-Ordre des Trinitaires. Domenico ne
demandait qu'une chose: que la maison soit bien tenue et paisible!
Or,
les parents d'Anna-Maria vinrent partager la vie du jeune foyer. Depuis
leur arrivée, les scènes de criailleries qu'elle apaise de son mieux se
répètent tous les jours, car sa mère acariâtre cherche sans cesse
querelle à son gendre qui s'emporte facilement. Atténuant les heurts le
mieux possible, elle s'empresse auprès de son époux trop vif qui jette
le dîner par terre avec la table quand un plat lui déplaît. Après la
mort de sa mère, son père vit aux dépens de sa fille et multiplie
disputes sur disputes. Lorsque la lèpre l'atteint, la bienheureuse
Anna-Maria le soigne tendrement et l'aide à mourir chrétiennement.
Pour
leurs sept enfants, la maison risquait de devenir un enfer, mais la
bienheureuse demeurait si surnaturellement douce, que Domenico
affirmera que c'était un vrai paradis chez lui, et que l'ordre et la
propreté régnaient partout dans son pauvre gîte. Anna-Maria se levait
de grand matin pour se rendre à l'église, et communiait tous les jours.
Lorsqu'un membre de la famille était malade, pour ne donner à personne
l'occasion de se plaindre et de murmurer, elle se privait de la messe
et de la communion. Pour suppléer à cette privation involontaire, elle
se recueillait pendant les moments libres de la journée.
La
bienheureuse Anna-Maria Taïgi tenait ses enfants toujours occupés.
Après le souper, la famille récitait le rosaire et lisait une courte
vie du Saint du jour, puis les enfants se mettaient au lit après avoir
reçu la bénédiction. Le dimanche, ils visitaient les malades à
l'hôpital. Sa tendresse maternelle ne l'empêchait pas d'appliquer
fermement les sanctions méritées, telles la verge ou le jeûne. Ses
enfants profitèrent avantageusement de cette éducation si équilibrée et
devinrent vite l'honneur de leur vertueuse mère et le modèle de leurs
camarades.
Sa délicatesse envers les humbles était
exquise. Elle nourrissait sa servante mieux qu'elle-même; à une qui
cassait la vaisselle par maladresse, elle disait gentiment: «Il faut
bien faire gagner la vie aux fabricants de faïence.»
Lors
de sa réception comme membre du Tiers-Ordre de la Sainte Trinité, la
bienheureuse s'était offerte comme victime expiatrice pour les péchés
du monde. En retour de cette généreuse offrande, Dieu lui accorda la
vision permanente d'un globe ou soleil lumineux dans lequel elle lisait
les besoins des âmes, l'état des pécheurs et les périls de l'Église.
Ce
phénomène extraordinaire dura quarante-sept-ans. Surprise au milieu de
ses occupations domestiques par les ravissements et les extases,
Anna-Maria s'efforçait vainement de s'y soustraire. Grâce à elle, les
malades avertis de leur fin prochaine mouraient saintement. Comme le
sort des défunts lui était révélé, sa compassion pour eux lui inspirait
de multiplier ses pénitences afin de libérer au plus tôt ces pauvres
âmes qui venaient la remercier de leur délivrance.
Bien
que la bienheureuse Anna-Maria Taïgi souhaitait ardemment rester
ignorée de tous, une foule de visiteurs composée de pauvres, de
princes, de prêtres, d'évêques, du pape même, accourait pour demander
conseil à sa sagesse inspirée. Simple et humble, elle répondait tout
bonnement en se dérobant aux louanges, refusant toujours le plus petit
cadeau.
Or, celle qui répandait ainsi la sérénité et
la lumière autour d'elle, fut privée de consolation spirituelle pendant
vingt ans, et éprouvait le sentiment très net d'être reléguée en enfer.
Pendant sept mois, les angoisses et les ténèbres de son âme s'étant
accrues, Anna-Maria Taïgi expérimenta une véritable agonie, n'en
continuant pas moins à diriger sa maison comme si de rien n'était.
Malgré
ses doigts devenus si douloureux, elle cousait beaucoup afin d'assurer
le pain quotidien de la maisonnée. La femme du gouverneur de Savoie qui
avait obtenu tant de grâces par les prières de la servante de Dieu,
voulut lui donner une forte somme d'argent, mais la bienheureuse la
refusa catégoriquement.
Le Lundi-Saint, dans une extase,
Anna-Maria apprit qu'elle mourrait le Vendredi-Saint. Après avoir béni
tous les siens, et les avoir remercié, elle rendit l'âme dans un cri de
bonheur et de délivrance. Il semble que Dieu ait voulu montrer dans la
personne de cette admirable bienheureuse, la possibilité d'allier des
vertus éminentes et des dons surnaturels exceptionnels à la fidélité
aux devoirs les plus humbles et les plus matériels de la vie commune.
Le pape Benoît XV béatifia Anna-Maria Taïgi, le 30 mai 1920.